Les pennies du paradis : salaires et transfert de bénéfices


Authors: Annette Alstadsæter, Julie Brun Bjørkheim, Ronald B. Davies, and Johannes Scheuerer

Auteurs : Annette Alstadsæter, Julie Brun Bjørkheim, Ronald B. Davies, Johannes Scheuerer

En transférant leurs bénéfices vers une filiale dans un paradis fiscal, les multinationales ont la possibilité de réduire considérablement leur facture fiscale globale. En effet, Tørsløv, et al. (2018) constatent que la majeure partie des bénéfices transférés sont dirigés vers des paradis fiscaux, en particulier ceux de l’Union européenne.

Ce qui est moins compris, cependant, c’est ce qui arrive à l’argent qui n’est pas dépensé en impôts. En d’autres termes, si le transfert des bénéfices laisse plus d’argent à la disposition de l’entreprise, où ce dernier apparaît-il ?

Au sein de cette étude, nous avons approfondi une hypothèse :  celle qu’au moins une partie de cet argent finisse par être reversées aux employés de l’entreprise par le biais de salaires plus élevés. Pour ce faire, nous utilisons des données appariées employeur-employé de Norvège pour voir s’il existe des preuves d’une prime salariale associée au fait de travailler pour une entreprise qui transfère des bénéfices.

Dans l’ensemble, nous constatons que le transfert de bénéfices est associé à une prime salariale de 2 % pour les employés occupant des postes hautement qualifiés (cadres, professionnels et techniciens). Cette constatation est particulièrement forte dans le secteur des services où la prévalence des actifs incorporels peut faciliter le transfert. Les PDG en particulier ont des salaires plus élevés dans les entreprises qui transfèrent leurs bénéfices et gagnent près de 10% de plus.

Une autre méthode de comparaison entre les employés consiste à utiliser leur niveau de salaire plutôt que leur rôle dans l’entreprise. Pour les services, les estimations ne montrent aucune prime salariale significative jusqu’au 85e centile, c’est-à-dire que les salaires sont plus élevés pour les employés qui transfèrent leurs bénéfices, mais seulement pour ceux qui se trouvent déjà dans les 15 % supérieurs de la distribution des salaires.

Ces résultats suggèrent que le transfert de bénéfices peut contribuer de manière substantielle à l’inégalité des salaires – à la fois entre les entreprises et au sein d’une même entreprise.

Que signifient alors ces salaires plus élevés pour les recettes publiques ?

En utilisant un calcul à rebours, nous estimons qu’en 2018, le transfert de bénéfices a entraîné une augmentation de 273 millions de couronnes norvégiennes des recettes fiscales sur le revenu et la sécurité sociale. Cette augmentation est toutefois dérisoire par rapport aux estimations des pertes d’impôt sur les sociétés dues au transfert de bénéfices, qui, selon Tørsløv et al. (2018), s’élèvent à 9,6 milliards de NOK par an (2015). Ainsi, l’augmentation des recettes fiscales des particuliers ne compenserait que moins de 3 % des pertes d’impôts sur les sociétés, ce qui signifie que nos résultats n’annulent pas les pertes fiscales liées au transfert de bénéfices.

Si l’on ajoute à cela les effets potentiels sur l’inégalité, nous ne voyons pas beaucoup de place pour un changement dans la frustration du public à l’égard de la planification fiscale des multinationales.

Références

Tørsløv, T. R., Wier, L. S. & Zucman, G. (2018), The missing profits of nations, Working paper 24701, National Bureau of Economic Research.

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