Évitement de l'impôt sur les sociétés

Flexibility in Income Shifting under Losses


Article de recherche d'Arnt Hopland, Petro Lisowsky, Mohammed Mardan et Dirk Schindler publié par The Accounting Review en 2018.

Résumé

Dans cette étude, Hopland et al. examinent dans quelle mesure les entreprises multinationales (EMN) déplacent leurs revenus entre leurs filiales déficitaires et leurs filiales bénéficiaires afin de minimiser les paiements d’impôts au niveau mondial. En particulier, ils évaluent deux canaux possibles pour ce transfert de revenus : les prix de transfert et la distribution interne de la dette.

L’objectif du transfert de revenus en cas de pertes peut être illustré par le cas simplifié d’une entreprise multinationale ayant deux filiales, L et P. Au cours d’un exercice donné, L acquiert initialement des services d’une valeur de 100 USD auprès de P et, ayant contracté des prêts auprès de P dans le passé, L verse 10 USD d’intérêts à P. À l’approche de la fin de l’année, l’entreprise multinationale constate que L subit une perte de -80 USD et que P réalise un bénéfice de 50 USD. Si l’entreprise multinationale peut agir avant de déposer ses déclarations fiscales, elle est incitée à réduire le prix de transfert auquel L acquiert des services auprès de P et à diminuer l’endettement de L vis-à-vis de P. Elle peut, par exemple, ramener le transfert à 85 USD et le paiement des intérêts à 5 USD. En conséquence, la perte de l’affilié déficitaire est réduite à -60 USD et le bénéfice de l’affilié bénéficiaire est réduit à 30 USD. Avant, comme après les ajustements, L ne devrait pas payer d’impôt sur les sociétés puisqu’elle enregistre une perte nette, mais suite aux ajustements, la base d’imposition de P a été réduite et la multinationale a optimisé ses paiements d’impôts globaux.

Après leur analyse théorique, les auteurs testent empiriquement si les paiements de transfert intra-firme et les ratios de levier interne diffèrent systématiquement entre les filiales qui enregistrent des pertes et celles qui réalisent des bénéfices au cours d’une année donnée. Les résultats de leur régression suggèrent que les paiements de transfert nets sortants sont, en moyenne, inférieurs d’environ 11 à 12 % de l’actif total l’année où une société affiliée subit une perte. Les frais d’utilisation, plutôt que les achats de biens corporels, semblent être le principal moteur de cette réduction. Cependant, les pertes courantes n’ont pas d’effet significatif sur l’effet de levier. Les auteurs concluent que les prix de transfert offrent à l’entreprise multinationale une flexibilité substantielle pour ajuster le déplacement des revenus ex post, alors que les entreprises peuvent être moins flexibles pour ajuster leur structure de capital.

Principaux résultats

  • Les résultats suggèrent que les entreprises multinationales déplacent leurs revenus vers des filiales déficitaires afin de réduire leurs paiements d’impôts au niveau mondial.
  • Les paiements de transfert nets sortants sont plus faibles les années où les filiales déclarent des pertes nettes.
  • Les frais d’utilisation semblent offrir plus de souplesse dans le transfert de revenus que les achats de biens corporels. Cela pourrait s’expliquer par le fait que le principe de pleine concurrence est plus difficile à appliquer aux frais d’utilisation ou que certains frais d’utilisation sont dus à la fin de l’année, ce qui offre une plus grande flexibilité.
  • En revanche, on constate que les pertes courantes n’ont pas d’effet significatif sur l’effet de levier.

Implications politiques

L’étude de Hopland et al. met en lumière l’importance des filiales déficitaires dans les mécanismes de transfert de bénéfices des entreprises multinationales. Les auteurs soutiennent que les autorités fiscales et les décideurs politiques devraient se concentrer davantage sur les transferts internes vers les filiales déficitaires, par exemple parce que les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées ne s’appliquent pas si le transfert de revenus sous forme de pertes a lieu entre des pays à forte imposition.

Données

Les auteurs s’appuient sur un ensemble de données de panel au niveau des filiales d’entités multinationales basées en Norvège. Ils combinent trois sources : des statistiques financières de Dun & Bradstreet, des informations sur la propriété provenant du registre SIFON de Statistics Norway et des déclarations fiscales, ainsi que des relations d’endettement, enregistrées dans des ensembles de données de l’administration fiscale norvégienne ou de Statistics Norway. L’ensemble de données final couvre les années 1998-2005.

Méthodologie

Les auteurs régressent les paiements de transfert intra-entreprise et les ratios de levier interne sur une variable indicatrice égale à un si l’entreprise connaît une position de perte au cours de cette année, et contrôlent une variété d’autres facteurs qui peuvent expliquer le transfert de revenus.

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La version publiée de l’article peut être consultée sur le site de la revue Accounting Review.

Une version du document de travail de 2015 peut être téléchargée sur l’econstore. [pdf]